Le sport, vecteur de développement économique, est aussi un enjeu géopolitique majeur. Aujourd’hui, des pays investissent beaucoup dans le sport pour redorer leur image. L’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis et le Qatar en sont les modèles. Le rachat de Newcastle à 300 millions d’euros par le fond d’investissement saoudien PIF est une bataille géopolitique.

Le sport se veut apolitique. Il ne doit être l’apanage ou sous l’emprise des autorités comme une marionnette en vue des revendications politiques. Dans le football, cette pratique, réputée comme dangereuse par certains observateurs, est interdite par la FIFA. Mais le sport est un outil politique utilisé comme tel par les gouvernements pour affirmer l’identité nationale et pour présenter une image favorable du système social. Les Jeux Olympiques de 1936, organisés sous l’impulsion d’Adolf Hitler, apôtre du nazisme, étaient une occasion pour dissimuler l’antisémitisme du régime, sa politique raciale et la montée du militarisme dans le pays. En plein cœur du XXIe siècle, le sport devient presque incontournable. Dans Géopolitique du sport, Pascal Boniface abonde en ce sens : “Malraux avait tort. Le XXIe siècle ne sera pas religieux avant tout : il sera sportif. Nous sommes entrés dans l’ère du sport mondialisé. Le sport est devenu le nouveau terrain d’affrontement – pacifique et régulé – des États. C’est la façon la plus visible de montrer le drapeau, d’être un point sur la carte du monde et d’exister aux yeux de tous”.
En effet, le sport est aussi utilisé comme arme politique de dissuasion ou de sanction. Le boycott touche le pays concerné dans son image et aussi éventuellement dans son économie. En effet, il semble être mobilisé par certains États afin de palier des faiblesses de diverses natures et d’améliorer leur image ainsi que leur capacité de séduction et d’influence dans le système international. L’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis et le Qatar, trois nations bien nanties dans le golfe, grâce aux ressources pétrolières qu’elles détiennent, s’inscrivent, d’une manière ou d’une autre, dans cette démarche reluisante, celle de s’investir dans de clubs européens. Le Qatar investit dans le Paris Saint-Germain. Il achète des joueurs à des prix onéreux dans le but de rivaliser avec les grands clubs européens à l’aune de la ligue des champions. Les Émirats Arabes Unis, lui, est logé à la même enseigne en investissant à Manchester City par l’entremise du Cheikh Mansour.
Aussi, l’Arabie Saoudite, désireuse de parfaire son image écorchée aux yeux de l’international, à cause de son implication dans l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi au consulat saoudien d’Istanbul en 2018, est éprise de s’investir dans le club de Newcastle. Elle se montre très ambitieuse dans les investissements sportifs. Car, elle a déjà organisé des évènements sportifs importants tels que la finale de la super coupe d’Espagne en janvier 2020 et l’organisation du combat en 2019 entre A. Joshua et A. Ruiz. Mais le rachat de Newcastle à 300 millions d’euros par le fonds d’investissement souverain saoudien PIF risque d’être très compliqué. Car la route qui mène à ce rachat est jonchée d’embûches. Le Qatar et L’Arabie Saoudite sont au couteau tiré. Tergiversations. Chamailleries. En dehors des problèmes politiques entre ces 2 pays, le Qatar reproche à son voisin saoudien de pirater le beIN Sport (média géré par les Qataris). Le Qatar, auréolé de l’organisation du Mondial 2022, veut, à tout prix, sous un fond de conflit diplomatique, bloquer le rachat de Newcastle par son voisin saoudien. Pour ce faire, il a écrit une lettre au directeur général de la Premier League, Richard Masters, afin d’assouvir sa soif de vengeance.
Cependant, l’Arabie Saoudite, la pétromonarchie, a déjà entamé plusieurs démarches auprès de la Premier League (PL) et des actuels propriétaires de Newcastle pour finaliser le dossier de rachat. En dépit des difficultés rencontrées, l’État saoudien fait montre d’une très grande volonté. En attendant la décision finale de la PL sur ce dossier, il semble que l’Arabie Saoudite est sur la bonne voie.
Obed DEUS