Une révision à la hausse du budget ? Et l’agriculture traitée en parent pauvre

Adopté ce vendredi 5 juin en Conseil des ministres, le nouveau budget pour l’exercice fiscal 2019-2020 est de l’ordre de 198,7 milliards de gourdes, ce qui traduit une hausse par rapport au précédent qui était de 145,6 milliards de gourdes.  Dans ce nouveau budget, le gouvernement priorise la lutte contre la Covid-19. En  cette période de crise sanitaire et de pénurie alimentaire, l’État devrait aussi investir plus dans l’agriculture pour relancer la production nationale, cependant l’enveloppe budgétaire du ministère de l’Agriculture des ressources naturelles et du développement rural (MARNDR) baisse de 24.47 %.

À environ 4 mois de la fin de l’exercice fiscal 19-20, le gouvernement décide d’adopter en conseil des ministres un budget  de 198,7 milliards de gourdes avec une augmentation de 36.4 % par rapport au budget précédent (2017-2018 reconduit pour la période 2018-2019),  qui était de 145,6 milliards de gourdes. Dans une situation de crise sanitaire en Haïti, de faiblesse de pouvoir d’achat des consommateurs, de la dépréciation aiguë de la gourde, une révision à la hausse du budget est donc normale. Cependant il faut prendre en compte le taux de change, l’inflation, le chômage entre autres pour avoir un budget juste et équitable, en dépit des maigres ressources dont dispose l’État haïtien.

Lorsque nous comparons le budget 17-18 et l’actuel budget, nous constatons qu’il y a 2 ans de cela le budget valait 2,2 milliards de dollars avec un taux d’acquisition moyen de 66,46 gourdes. Tandis que pour le budget de cet exercice ne vaut que 1,7 milliards de dollars avec un taux moyen d’acquisition moyen de 113.96 gourdes/1$. Il n’y a donc pas une réelle augmentation par le fait que tous les prix des biens et service de l’économie fluctuent en fonction du taux de change.

Parmi les ministères certains ont vu leur portefeuille diminuer, tandis que d’autres ont des augmentations très significatives. En ce qui concerne les diminutions : Le MARNDR a vu son enveloppe baisser de 24.47 %, passant de 8,95 milliards en 17-18 à 6,76 milliards de gourdes. Le ministère de la planification et de la coopération externe (MPCE) connait une étonnante diminution de  67,7 %, passant de 9.04 milliards à  2,92 milliards. L’enveloppe budgétaire du MENFP  a chuté de 19.8 %, passant de 23,16 milliards à 18,6 milliards. Pour les ministères ayant connu des augmentations dans leur portefeuille : Le MSPP, pour lutter contre la Covid-19, le gouvernement consent une augmentation de son portefeuille, passant de 6,7 milliards à 21,7 milliards de gourdes. Le ministère des Affaires étrangères connait une augmentation de l’ordre de 60.78 %.

Nous attirons aussi l’attention sur le fait qu’un budget reste une prévision des recettes et des dépenses. Le budget haïtien prend  en considération des projections de recettes de la DGI (Direction Générale des Impôts), de l’AGD (Administration générale des douanes) et de l’OAVCT (office assurance des véhicules contre tiers), que l’État va utiliser comme sources internes de financement. Mais rien ne dit que les recettes suffiront pour couvrir les dépenses.  Dans le pire des scénarios, le gouvernement continuera à creuser le déficit budgétaire et la gourde ne va que se déprécier. Avec la gourde qui continue de dégringoler, il faut certainement une autre politique. Une politique budgétaire et fiscale conjuguée avec une politique monétaire de la BRH afin de juguler les fluctuations du taux de changes. Notons que de mars 2020 à date la gourde a déjà perdu plus de 15 % de sa valeur.

Il y exactement 5 ans de cela, soit le 7 juin 2015, le taux de change avait franchi la barre de 50 G pour 1$. Aujourd’hui nous sommes à plus de 110 G /1$. La situation est plus qu’alarmante.

Il y a insécurité alimentaire, crise sanitaire, et un fort taux de chômage. La dépréciation de la gourde apporte avec elle une inflation de plus de 22.6 % et la baisse du pouvoir d’achat. Les agents économiques sont devenus plus pauvres, leurs revenus ne suffisent pour se procurer des biens et services.

Où en sommes-nous avec l’agriculture ?

Selon la typologie de  Richard Musgrave, l’État a trois fonctions principales, à savoir : L’allocation des ressources (fournir des biens et services publics), la redistribution des richesses (Réduire les inégalités) et enfin la fonction de stabilisation macroéconomique (Contrôler les fluctuations et les cycles). C’est le devoir de L’État d’apporter un mieux être à la population.

Un budget traduit en général les préoccupations d’un gouvernement et prend en compte les voies et moyens lui permettant de réaliser ses objectifs bien définis. Haïti fait face à deux grands problèmes : une crise sanitaire et  une insécurité alimentaire. Le pouvoir d’achat des consommateurs baisse par conséquent les consommateurs sont de plus en plus pauvres. Les priorités du gouvernement devraient être la sécurité (le premier des biens publics), la santé de ses citoyens  et la sécurité alimentaire. Nous constatons qu’il y a seulement une révision à la hausse dans le budget du MSPP et une réduction du budget du MARNDR.

En analysant les différentes augmentations allouées aux différents ministères, nous remarquons qu’il y a une augmentation significative pour le ministère de la Santé. L’enveloppe budgétaire du MSPP est passée de  5,6 milliards de gourdes pour les années fiscales 17-18 et 18 – 19 à 21,6 milliards de gourdes. Cependant le budget du MARNDR diminue de 24.47 %, en effet, le budget du MARNDR passe de 8.95 milliards pour l’exercice 17-18 à 6.76 milliards pour l’exercice 19-20.

Cela traduit bien le fait que l’agriculture et la relance de l’économie ne font pas partie des priorités du gouvernement. Pour faire face aux éventuelles raretés de produits alimentaires sur le marché, l’État a l’obligation de valoriser les paysans et faire de l’agriculture une priorité. Dans cette situation, le gouvernement aurait dû augmenter le budget pour s’investir plus dans l’agriculture afin d’augmenter l’offre de denrées alimentaires sur le marché local. Ce qui aura une répercussion sur les prix, qui vont baisser. Cela aurait  pu réduire l’inflation. Et augmenter le pouvoir d’achat des consommateurs.

Lovenski Elie CLERVIL, économiste, entrepreneur

clervilelielovenski@gmail.com

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