La femme et son émergence dans le milieu social haïtien : toujours un défi en plein XXIème siècle

« Au-dessus est le ciel, dessous la terre, et entre les deux est l’homme, avec la femme qui doit obéir à l’homme. » Confucius

« Nous ne voulons plus nous résigner à n’être que des machines à reproductions et les servantes du seigneur et maitre. » Alice Garoute

Les termes « femme », « libération », « société » jouissent d’une attention particulière depuis que le monde est monde. Cela fait déjà des années depuis que de grands penseurs ont écrit sur la femme haïtienne. D’une façon ou d’une autre, soit qu’ils ont fait éloge de cette dernière, comme l’ont fait certains écrivains du romantisme haïtien, tout en insistant sur la place primordiale qu’elle devrait occuper dans la société ; soit qu’ils critiquent leur passivité et leur décadence, surtout dans les textes musicaux. Dans les deux cas, il est facile à qui que ce soit de faire une déduction sur le niveau de socialisation du peuple haïtien. Car, si l’on peut croire Pierre Louis Rey, le niveau de socialisation d’un peuple s’identifie dans la place qu’occupe la femme au sein du milieu social en question.

Le mouvement féminisme haïtien ne date pas d’hier, bien qu’on ait du mal à déterminer son début car selon plus d’un les femmes commençaient à résister aux oppresseurs depuis la période esclavagiste. L’une des plus grandes protestations récentes est celle du 3 avril 1986. De fait, de nombreuses lois sont votées sur l’égalité des sexes pour faciliter l’intégration de la femme dans la vie politique et sociale en Haïti. Et ceci n’est que le résultat des luttes de la LFAS (Ligue Féminine d’Action Sociale), considérée comme la première structure luttant pour le respect des droits de la femme en Haïti. Cependant, pouvons-nous être certains que les femmes jouissent pleinement de leurs droits ? Si la réponse est négative, les femmes représentent la majorité de la population haïtienne, mais pourquoi ne pas lutter ensemble en formant un bloc de résistance contre leurs oppresseurs ?

Lorsque nous parlons de la femme haïtienne nous faisons référence à toutes ces femmes qui, peu importe leur classe sociale, ne sont pas prêtes à sortir de leurs zones de conforts à l’idée de se mettre devant les scènes de l’avenir et exposer ce qu’elles ont comme potentiels ; toutes ces femmes qui souffrent (et acceptent de souffrir) de tous les maux que la civilisation leur a infligées. Les femmes, à dire vrai, ne connaissent pas toutes les mêmes formes de vie dépendamment de leur appartenance social. Toutefois, une fois qu’elles ne sont pas libérées, une relation de maitre et d’esclaves s’imposent entre elles et les hommes. Car, elles partagent en commun des points entre autres, elles s’acceptent comme étant de simples objets sexuels, donc elles sont faites pour assouvir des désirs ; elles doivent obéir aveuglement l’homme, le bourreau ; elles ne sont que des prisonnières de l’existence.

Bien que le manque d’intégration de la femme dans la vie sociale et politique soit un problème social, la femme haïtienne est toute seule dans la lutte de sa libération. La femme haïtienne ne jouit d’aucun appui de la famille, la religion ou l’école qui représentent les bases de la société.

Crée le 8 novembre 1994, le Ministère à la Condition féminine et aux Droits des Femmes qui est le fruit de tout un ensemble de batailles constantes n’accompagne pas la femme haïtienne dans sa lutte de libération. Cela peut paraitre ridicule, mais c’est une réalité. Le champ d’action dudit ministère qu’on traite d’ailleurs en parent pauvre n’est pas visible. Il montre son existence seulement pendant la journée mondiale de la femme célébrée chaque 8 mars. Il fait un silence complice face à toutes les violences que subissent les jeunes filles en Haïti. Ce ministère ignore l’existence des organisations qui luttent pour le respect des droits de la femme surtout dans les milieux paysans. Il ne connait absolument rien des besoins réels de tous ces milliers de femmes à travers le pays. Par conséquent, il ne nous reste qu’à se demander la raison d’être de ce ministère si ce n’est qu’un outil permettant à un petit groupe de personnes de s’enrichir.

En Haïti, l’implantation du christianisme qui a été faite avec de nombreuses violences meurtrières (physiques et psychologiques) est actuellement la religion qui compte le plus grand nombre d’haïtiens (en majeur partie des femmes) ! Ainsi, l’obéissance aveugle au « dieu blanc» d’autrefois qui, a son tour, ordonne les noirs d’obéir à leurs bourreaux, est la même que recommandent les prédicateurs noirs aux principes religieux. L’un des plus intéressants c’est que le mari soit le « chef » de la femme. Donc celle-ci doit obéissance aveugle à son mari au point de l’appeler « Maitre » comme a fait la femme d’Abraham. Et jusqu’à présent, en Haïti et dans bien d’autres pays dans le monde, certaines des églises interdisent les femmes de diriger des cultes. Dans ce cas, ne devraient-t-elles pas redéfinir leur rapport avec la religion, souvent considérée comme un parfait outil de manipulation ?

Dans la famille, premier lieu de socialisation, la femme haïtienne (condamnée à être utile) est le seul groupe de personnes qui signent un  « contrat à vie sans rémunération ». Un penseur suggère que « le principale moyen de libération de la femme » c’est de « remplacer la compulsion par le principe du plaisir ». Donc il suffit d’accepter le rôle de « robot » par amour en recherchant à en tirer un maximum de satisfaction. Qu’elle soit la mère, la jeune fille ou la petite fille innocente, elle subit les milles et une pression sociale qui le poussent à se renfermer sur elle-même. En effet, elle se prend pour le « sexe faible » qui doit gentiment attendre un homme lui demander la main, si ce n’est pas ainsi, elle devient automatiquement la « honte de la famille » car certainement c’est parce qu’elle manque de quelque chose. Donc, comme si c’est à l’homme d’approuver la féminité de la femme ! C’est comme quoi le mariage est un facteur important de réussite d’une femme en dépit de ses possessions matérielles ou intellectuelles. Certain exagère pour dire que même «la beauté d’une femme ne sert a rien si elle n’entre pas dans le gout d’un homme » !

Les luttes de libération de la femme haïtienne meurent à petit feu alors que les problèmes persistent. Les violences physiques et psychologiques augmentent au point de les banaliser comme de simples faits sociaux qui deviendront sans doute des normes. Les quelques-unes des femmes qui acceptent « de passer aux yeux des tenant de l’ordre établi pour des reprouvées, des excentriques, des perverties » se livrent dans une bataille sans fin puisque ce qu’elles demandent n’apporte pas grand chose dans le processus de leur libération. En effet, elles ne prônent pas des reformes dans les modes de pensée en demandant que l’égalité des sexes. Alors que parler de l’égalité, c’est sous-entendre qu’il peut aussi avoir infériorité et supériorité. Il est désormais une urgence de penser à une rééducation de la femme haïtienne. L’homo sapiens doit se voir d’abord en tant qu’être humain. D’ailleurs, les trois facultés – trois éléments essentiels qui pourraient permettre de faire une classification en ce qui a trait a supériorité/infériorité – qui le font ce qu’il est, en parlant de la volonté, la sensibilité et l’intelligence, on ne saurait les classer.

Désormais, à l’école ou à l’église le nombre important de femmes que nous voyons dépasse à coup sûr celui des hommes. Pourtant dans les différentes luttes pour le bien-être du peuple haïtien elles sont peu à gagner les rues ; très peu de femmes participent activement dans la vie politique De fait, l’éducation qu’elle reçoit dans ces milieux, très fréquentés, n’est certainement pas celle qu’elle devrait avoir pour son émergence. C’est pourquoi nous avons parlé de rééducation de la femme haïtienne. Dans le milieu social, la femme doit enfin cesser de se considérer comme étant « l’autre » qui inspire la peur, la méfiance, le mépris…

La complémentarité existant entre les deux sexes n’est pas discutable. L’homme et la femme doivent avoir conscience de ce duo indissociable qu’ils forment ensemble. Pourvu que les deux sexes se complètent, il n’est question de « sexe fort », « sexe faible », ni de « maitre », « esclave ». Ils ne doivent pas se voir comme de simples créatures opposées par le sexe et l’architecture de leurs corps. Mais comme des humains (ce que nous avons signalé précédemment). Aucune de ces créatures ne peut faire cavalier seul !

« Nous lutterons avec courage et persévérance jusqu’au triomphe de la justice ; nous lutterons pour renverser les barrières qui limitent notre champs d’action jusqu’à les rendre inexistantes », c’est l’une des plus fortes déclarations de l’ancienne militante Alice Garoute. Une déclaration qui, à coup sur, peut rallumer le feu de la mobilisation. A travers l’histoire, toutes les luttes connaissent des moments de haut et de bas. L’important c’est de rester accrocher au but en utilisant de nouvelles stratégies. Que les pensées d’Alice G. ne cessent de frayer un chemin dans la pensée des femmes haïtienne ; qu’elles guident leurs actions et leur donnent une nouvelle motivation pour conquérir pleinement leurs droits.

MICHEL Rood Inley

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