Le Firmin : Faites nous une brève présentation de l’Université Innovatrice d’Haïti.
Serge BERNARD : L’Université Innovatrice d’Haïti (UNIH) est l’une des plus grandes universités du pays. Elle est fondée en 2012, reconnue par le Ministère de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP) et enregistrée au DAF :141126-128. En plus de son local situé à Port-au-Prince (Avenue Christophe), elle compte deux annexes : l’une à Ouanaminthe (Rue Scott prolongée) et l’autre à Jérémie (Angle rue Laforest et rue Ferry). C’est un projet conçu, élaboré et matérialisé après une profonde méditation sur les besoins les plus saillants de la société haïtienne par la famille FANFAN, dont le recteur Saintony FANFAN, écrivain-chercheur et Doctorant en économie du développement.
l’UNIH forme des cadres dans la communauté scientifique et dans le monde professionnel, à travers les domaines suivants : Sciences informatiques, Gestion des affaires, Génie, Architecture, sciences Comptables, Administration publique, sciences économiques, Agronomie, Sciences du développement, Sciences de l’éducation, Diplomatie, Science juridique, Science de la communication et d’autres programmes sanctionnés par des diplômes professionnels.
Présentez-nous « Rendez-vous scientifique » ?
« Rendez-vous scientifique » est une activité créée par le Centre de Recherche et d’Intervention en Développement Durable (CRIDDU) de l’Université Innovatrice d’Haïti (UNIH) qui se donne un triple objectif : D’abord, promouvoir la science ; ensuite, convier la communauté haïtienne à réfléchir autour des problèmes sociaux, économiques, politiques et culturels auxquels elle confronte ; poursuivre ses missions en tant qu’université, celles de la Recherche scientifique, la Transmission des savoirs et de Service à la communauté, enfin. C’est le Rendez-vous qui convie la communauté, chaque dimanche, à méditer sainement, sur une thématique pertinente via des débats houleux, avec un spécialiste faisant autorité dans un domaine spécifique, en vue de discuter, se proposer et d’adopter de meilleures solutions aux problèmes majeurs qui sapent le fondement et paralysent le développement de la nation.
Pourquoi vous vous engagez dans cette initiative ?
Se battre au profit du bien-être collectif ou s’engager à la cause de la République, tel est le premier devoir d’un citoyen. Et j’estime que le meilleur instrument pour s’offrir un progrès social n’est autre que la science. D’ailleurs, pas de progrès social sans science. En outre, en tant que sociologue, il est de mon devoir de lutter contre toute pathologie qui pourrait nuire au corps social et la science en est le premier antidote. Cette crise généralisée qui infecte l’interface de nos pratiques et paralyse notre société serait due à l’ignorance même de la science et la professionnalisation de la routine. Partant de là, je m’engage dans cette initiative parce que je suis un citoyen qui s’engage à se battre pour le progrès de l’Haïtien et qui croit à la voie édictée par Emile Zola prescrivant que « sans le progrès de la raison par la science, l’humanité n’aurait pas d’avenir.» Croyant en un avenir prometteur d’Haïti par le progrès de la science, je m’y engage.
Quelles thématiques traitez-vous dans « Rendez-vous scientifique » ?
Dans le souci de réfléchir autour des problèmes immédiats de la communauté, sont traités dans « Rendez-vous scientifique » : le droit, l’environnement, l’Etat, la religion, la société, l’éducation, migration, Développement… Ainsi, a-t-on déjà traité :
- ˝Comment comprendre le conflit Russo-Ukrainien au regard du droit international˝ : Maismy Mary FLEURANT, Docteur en Droit international ;
- ˝La Place du Vaudou dans la construction de l’être social haïtien˝ : Jean Gardy ESTIMÉ, Doctorant en Philosophie ;
- ˝La problématique du développement local au regard des zones franches industrielles. Cas de Ouanaminthe˝ : Simbert ARISTIDE, Master en Science du développement ;
- ˝Les organisations communautaires de Base (OCB) et le développement local en Haïti : entre recherche de gain personnel ou poursuite du but commun dans l’intérêt de la collectivité ˝ : Karl Henry OLIAS, Gestionnaire et Travailleur social ;
- ˝La gestion des collectivités territoriales au regard des défis politico-économiques en Haïti. Cas de Ouanaminthe˝ : Roodson MONDESIR, Master en Management public ;
- ˝Ouanaminthe face au phénomène de l’étalement urbain : enjeux et perspectives˝ : Moi, Serge BERNARD ;
- ˝Responsabilité citoyenne et défis environnementaux. Cas de Ouanaminthe˝ : Peterson MONESTIME, Master en Droit de l’environnement.
Pourquoi les étudiants et les professeurs d’université devraient s’intéresser à cette activité ?
De même qu’un maçon ne se préoccupe que de sa truelle, son équerre, son niveau à bulle puisque sa fonction est de construire des bâtiments, les universitaires ou les chercheurs n’ont qu’un outil : la SCIENCE. Car, leur rôle est de penser positivement pour panser les problèmes de la société. De même que les chanteurs/chanteuses ne visent qu’à s’entrainer aux fins de satisfaire les fanatiques via des productions artistiques (album, bal, concert), l’universitaire ne doit que RECHERCHER, afin de raviver l’esprit et canaliser la société vers le PROGRÈS. De même que le maçon n’existe pas en dehors de son travail de construction, le peintre cesse de l’être sans son tableau, le chanteur n’est plus en dehors de ses réalisations, un étudiant, un professeur, un universitaire n’existe, non plus, en dehors des activités ou des productions scientifiques. Ce serait blasphématoire de l’oser. Donc, ils doivent s’intéresser à cette activité parce qu’elle confirme leur raison d’être. D’ailleurs, c’est au corps de l’utilité que se greffe le sens de l’existence, et la science, dit-on, est la prière de l’esprit .
En quoi, d’après vous, cette activité est-elle pertinente pour la société haïtienne?
Comme l’on serait tenté de le croire, le problème fondamental d’Haïti n’est essentiellement ni politique, ni économique, mais éminemment culturel. Plus de deux siècles plus tard, on arrive jusqu’à date à se construire comme Haïtien, à se produire un sentiment commun à l’haïtienne. Parce que l’Haïtien est mal construit, mal fabriqué. Il ne l’est que par le nom. Et quand on arrive pas à se construire, on est en crise ou en guerre contre soi-même. Ce qui explique même cette crise identitaire et existentielle. Puisqu’on ne peut se battre que par esprit d’appartenance.
Déconstruire est un long processus qui exige beaucoup de ceux qui en sont conscients. Car, l’on devient les pires ennemis de ceux/celles que l’on tend à sauver l’âme. De par ˝Rendez-vous scientifique˝, on vise à montrer que le développement n’est ni l’apanage de certains peuples, ni le produit des partenariats Nord-Sud, ni le fruit de la providence divine, mais un choix de société : entre la Science et la routine, entre le Savoir et l’évidence. Il suffit de se développer l’esprit d’abord pour ensuite développer son pays. « On ne développe pas, on se développe », nous précise le philosophe Joseph Ki-Zerbo. Ainsi, de par cette initiative, l’UNIH tend à faire de l’Haïtien le seul et unique artisan ou sculpteur de son progrès / bonheur, lui inculquer l’importance de la science dans la dynamique du progrès social et la nécessité qui s’impose à lui de s’y consacrer.
Quels résultats espérez-vous obtenir avec « Rendez-vous scientifique »?
D’abord, l’implication des autres universités : Rendez-vous scientifique, la noble activité, est un rappel aux autres universités, quand à leurs missions qui sont : la recherche, transmission des savoirs et service à la communauté. En ce sens, l’université est, avant tout, une entreprise sociale avant d’être économique. Elle est un projet de société mais non un outil où la rentabilité ou le profit en est la finalité. L’UNIH ne saurait y parvenir seule. J’espère que les autres universités s’adonnent également à cette entreprise commune de rehaussement scientifique. Ensuite, l’implication et l’engagement des universitaires : un rappel aux universitaires, en ce qui concerne leur rôle dans le pansement de l’hémorragie haïtienne. Car, l’intellectuel est défini par son attitude désintéressée à défendre la société, disons un vrai homme qui honore son rendez-vous avec la science. Enfin, que cela soit un outil de l’appareillage du progrès d’Haïti. Puisque le PROGRÈS social ne saurait provenir que d’une complémentarité fonctionnelle entre l’HOMME et la SOCIÉTÉ, comme l’aurait souligné le sociologue Loïc Waquant.
Merci au Staff « Le Firmin », pour ce noble travail et de nous avoir accordé cet entretien.
L’UNIH vous tire son Chapeau !
ENSEMBLE POUR L’HAÏTI PROSPÈRE !